Campari Limonade ! [PV : Twiggy]

Six heures de l'après-midi, la sonnerie se décida enfin à se déclencher indiquant la fin des cours pour les pauvres étudiants qui finissaient à cette heure tardive de la journée. Parmis ces malchanceux se trouvait Melloy, qui avait sans doute un vendredi plus chargé que celui de premier ministre. Une journée bien remplie avant le tant convoité week-end. Un week-end qui ne s'annonçait pas très palpitant puisqu'il n'avait encore aucun projet, si ce n'est ce verre de Campari Limonade qu'il devait prendre avec Twiggy. Le jeune homme avait pris l'habitude de passer ses journées avec Abigail, sa petite amie actuelle, mais depuis quelques temps le jeune couple était au bord de la rupture. Enfin, ce n'est pas comme si Melloy était quelqu'un de stable et de fidèle. Ses relations ne duraient jamais longtemps, et c'était loin d'être un problème pour lui. Il faisait parti de ces gens dont le but est de multiplier les conquêtes, et non de trouver l'âme soeur.

Mais pour l'heure, il devait retrouver Twiggy en face du Irish Dictionnary. Sans doute le seul endroit dans lequel on pouvait boire quelques verres d'alcools, pour peu que le barman ne vérifie pas les cartes d'identités. Ce n'était pas le coin le plus agrable de la ville, mais l'ambiance était assez bonne, et de toute façon il n'y avait pas vraiment le choix. Melloy passa rapidement dans sa chambre afin d'enfiler un jean moins abîmé, histoire de faire plus âgé, et fila directement en dehors de l'établissement. Un des avantages du Irish Dictionnary était qu'il est situé tout près d'Harper, assez près pour faire l'effort d'y aller à pied du moins.

Un petit quart d'heure de marche plus loin, Melloy arriva au point de rendez-vous et constata que Twiggy n'était pas encore sur place. D'après ce qu'il en avait vu, il semblait évident que la jeune fille n'était pas du genre à se préparer pendant des heures pour se tartiner une cinquième couche de maquillage sur la gueule. Cela dit, Melloy avait déjà conduit une dizaine de filles de ce genre dans son lit, mais que voulez-vous ? Etre un brillant manipulateur avait ses avantages, il fallait bien en profiter. Et puis... il faut bien vivre tant qu'il en était encore tant. Cependant, Twiggy n'était pas le genre de fille qu'il avait envie de voir dans son lit. D'une part parce que de toute façon, elle n'était sans doute pas aussi naïve que les adeptes de strings et que par conséquent Melloy risquait de tomber de haut si il commençait à lui faire des avances. Et d'autre part parce qu'il voyait spontanément Twiggy comme une amie, une personne gentille et sympathique avec qui il pouvait passer des moments agréables, autour d'un verre de Campari Limonade par exemple. Oui, c'était le genre de fille qui avait bien trop de personnalité et de caractère pour ne faire l'objet que d'une simple aventure d'une nuit.

Ceci dit, il n'avait pas encore eut l'ocassion de vraiment la connaître. Il lui avait juste parlé dans le hall d'entrée d'Harper, lorsqu'elle avait encore ses valises à la main. Et une autre fois lors d'une fête organisé par le foyer, mais cette soirée reste encore très floue dans la tête de Melloy, il ne se souvenait que du punch au rhum, du vomi, et d'une sorte d'excursion dont il n'avait pas le moindre souvenir. Une soirée qu'il fallait sans doute oublier... Finalement, tout ce qu'il savait de Twiggy était qu'elle adorait, tout comme lui, les Campari Limonade, et qu'elle était nouvelle à Harper. Pas grand chose d'autres en fait.

L'apparition de la jeune fille arracha Melloy de ses profondes réfléxions. Elle avait un charisme fou. Belle, mais avec une forte personnalité et un look bien à elle. Il avait déjà envie d'en savoir plus sur elle, et cette fin de journée s'annonçait particulièrement agréable.

Twiggy sursauta en entendant la sonnerie de dix-huit heures : Elle s'était endormie sur son cahier de français, en pleine bibliothèque, et on pouvait à présent remarquer une délicieuse marque sur sa joue gauche. Charmant. Twiggy sortit donc à toute hâte de l'immense pièce qui servait de bibliothèque; elle n'avait qu'une envie : quitter ce foutu pensionnat, et prendre l'air. Elle haïssait les vendredi pour la simple et bonne raison qu'elle avait huit heures de cours - dont trois de maths -, et cela suffisait à la mettre de mauvaise humeur. Twigg' était à moitié claustrophobe; elle avait horreur de rester enfermée dans une salle plus d'une heure, aussi rester trois heures dans l'affreux vingt mètres carrés qui servait de salles de maths la mettait dans tous ses états. La charmante blonde poussa finalement la lourde porte du pensionnat, et marcha d'un pas léger dans le parc de Harper. Elle avait totalement zappé le rendez-vous avec Melloy, et il ne lui fallut pas plus de deux minutes pour qu'elle s'en souvienne. Cela donna à Twiggy l'agréable impression que ce Campari-Limonade sauverait sa journée, et pour cause, elle raffolait de cette boisson, et le jeune homme avec qui elle allait la partager semblait tout aussi délicieux. Twiggy se réjouissait donc de cet imprévu pas si imprévu : il était rare qu'elle ait ce genre de rendez-vous sympa et sans prise de tête. A vrai dire, elle n'attendait rien de de verre de Campari-Limonade, si ce n'est passer un moment vraiment agréable, et faire un peu plus ample connaissance avec son sauveur. En effet, Twiggy avait rencontré Melloy le jour de son arrivée à Harper, et si ses souvenirs étaient bon, il était le premier à avoir daigné lui adresser la parole. Rien que pour ça, il méritait qu'elle lui prête un peu plus d'attention. Twiggy n'était pas du genre à faire attention aux autres, elle avait plutôt tendance à avoir des relations assez superficielles avec ceux qui n'avaient pas réellement son estime. A vrai dire, tous ses amis étaient à Londres, et elle ne cherchait pas vraiment à s'en faire d'autres. Par ailleurs, Melloy avait franchement l'air cool - en plus d'être mignon -, et Twigg' devait avouer qu'elle n'était pas contre se faire au moins un réel ami. Et plus si affinités... Quoique, Twigg' n'était pas désespérée; elle ne cherchait pas à tout prix à avoir un petit-ami fixe. Elle avait quitté le sien, qui était resté à Londres, et devait avouer que la séparation lui était resté en travers de la gorge. Pourtant, c'est elle qui l'avait voulu, elle et son foutu caractère, sa résignation et sa désinvolture légendaire. Twiggy avait aimé Blake - son ex "boyfriend" -, c'était évident, mais elle n'avait franchement pas envie de s'encombrer d'une relation à distance. Trop compliqué, trop frustrant, trop contraignant. La jolie blonde avait juste envie de s'amuser, sans se prendre la tête, et d'aimer, ok, si l'occasion s'en présentait. Pour le moment, personne ne lui avait vraiment tapé dans l'oeil, et Melloy était vraiment le seul qu'elle avait envie de connaître davantage.
Elle se dirigea donc vers l'Irish Dictionnary, un genre de pub un peu ringard qui avait le mérite de ne pas être trop regardant en ce qui concernait l'âge... Puisqu'en théorie, tous les étudiants de Harper étaient trop jeunes pour consommer de l'alcool. Enfin, ce n'était pas comme si ils s'encombraient de ce genre de principes bidon, ils se fichaient bien de la loi, et Twiggy s'en fichait d'autant plus qu'elle avait franchement BESOIN de ce Campari. Elle poussa donc la lourde porte du pub sombre et poussiéreux, et balaya la salle du regard, à la recherche du jeune homme. Elle posa finalement son regard sur Melloy, toujours aussi charmant, et s'approcha de lui, un sourire quasi imperceptible sur les lèvres.

- Tu n'attendais plus que le Campari et moi, n'est-ce pas ?

Twigg' s'installa face à lui, sans lui faire de 'hug' ou quoique ce soit. Toutes ces convenances l'ennuyaient.

- Me voilà ! Ajouta-t-elle finalement, dans un français approximatif, un sourire de gamine collé aux lèvres. Elle avait beau étudier le français depuis genre, la quatrième, Twigg' en était restée aux stades des "bonjour"/"au revoir"/"merci" de convenance.

Si elle s'était écouté, elle aurait sortit illico son paquet de Lucky Strike pour s'en griller une. Rien de telle qu'un Campari, une clope et un joli garçon pour se détendre... Mais depuis que cette foutue loi anti-tabac était passée, il n'était même plus la peine d'espérer pouvoir fumer en paix. Twiggy devrait donc s'en passer. Elle posa donc son regard azur perçant sur le jeune homme, de son éternel air mutin. Il avait l'air tout aussi ravi qu'elle à l'idée de boire un verre, et c'était tant mieux. Twigg' avait horreur des gens constamment blasés, c'était genre, ultra barbant et franchement désagréable. Melloy n'avait pas l'air d'être de ceux là, et elle ne s'en plaindrait sûrement pas !

Alors que le bar était totalement plein, ce qui n'avait rien d'étonnant pour un vendredi soir, la lourde porte du pub s'ouvrit enfin pour dévoiler la magnifique créature qui se cachait derrière : Twiggy. Une jeune femme qui se trouvait être l'amie de Melloy pour le reste de la journée, et bien plus longtemps si affinités. Elle était... plus que charmante. La théorie du "Twiggy n'est pas le genre de fille qu'il voulait mettre dans son lit" était finalement à revoir. Se contenter d'une simple amitié avec une fille comme ça serait... du gachis. Mais comme le physique n'est pas censé être tout, et que seul la beauté intérieure compte, il fallait tout de même attendre d'en apprendre plus sur elle avant de faire quoi que ce soit. Oui, derrière ses airs de tombeur, Melloy avait tout de même quelques principes.

- Tu n'attendais plus que le Campari et moi, n'est-ce pas ?

Twiggy venait de s'installer près du jeune homme, sur le tabouret qu'il avait durement gardé en l'attendant. Elle se contenta, pour le saluer, que d'un lèger sourire tout juste visible à l'oeil nu.

- Oui, en fait j'ai déjà pris les commandes. Les Camparis ne devraient plus tarder.

Sur ces mots, le serveur qui avait prit la commande une petite minute plus tôt tandis les deux verres aux jeunes adolescents qui n'avaient pourtant pas l'âge de boire de telles boissons. Non vraiment, ce bar était de moins en moins sévère sur l'âge de ses clients. Une chance, puisqu'il était sans doute le seul distributeur d'alcool de la ville.

- Alors, tu trouves toujours Harper aussi nul ?

Melloy se souvenait de la courte conversation qu'il avait eu avec Twiggy alors qu'elle venait tout juste de poser les pieds à Harper. Se retrouver dans un pensionnat aussi stricte et rempli de fils et filles à papa était loin de l'enchanter, ce qui n'avait rien d'étonnant. D'autant plus qu'elle n'avait pas tout à fait le profil de l'élève type de Harper. Il ne fallait pas regarder bien loin pour se rendre compte qu'elle ne se fondait pas vraiment dans la masse. Quoique les élèves qui se démarquaient des autres devenaient de plus en plus nombreux. C'était d'ailleurs eux qui faisaient tout le charme de l'établissement et qui le rendait un peu plus chaleureux et divertissant.

- Au fait, tu viens d'où ? Enfin j'veux dire, comment t'as fait pour finir dans un endroit comme ça ?

Il était temps de poser quelques questions à Twiggy pour en savoir un peu plus sur elle. Et puisqu'il fallait bien commencer quelque part, autant lancer la conversation sur les sujets les plus importants et les plus essentiels.

Twiggy était sagement installée sur le tabouret que Melloy semblait lui avoir réservé. Elle avait croisé ses longues jambes de manière un peu désinvolte et tripotait machinalement ses cheveux platine. Ses ongles étaient couverts du vernis Rouge-Noir de Chanel qui commençait sérieusement à s'écailler, mais Twigg' se fichait bien que sa manucure soit parfaite ou non. A vrai dire, bien qu'elle ait un look relativement spécial, la jeune fille se fichait pas mal d'avoir l'air coquette et proprette. Elle avait plutôt tendance à se la jouer Mimi Cracra, avec son vernis un peu écaillé et ses yeux fatigués. Malgré tout, on ne voyait que ça : le bleu quasi-translucide de ses deux iris, qui fixaient Melloy d'un air mutin. S'il y'avait bien une chose qui caractérisait Twiggy, c'était son éternel air adolescent. Elle avait une façon de sourire et des mimiques quasi enfantines, qui tranchaient totalement avec son look un peu grunge. D'ailleurs, elle avait revêtu une tenue étonnamment sage, pour une si belle journée : Twiggy portait en effet une simple robe noire Topshop, une paire de derbies de la même couleur, et des breloques divers et variés autour du cou. Elle savait merveilleusement bien mixer fringues de créateurs, de grande distribution et pièces vintage, et c'est en partie ce qui donnait à Twiggy son allure tellement unique.
Elle regardait donc Melloy de son éternel air mutin, et esquissa un franc sourire en entendant sa question. Si elle trouvait Harper nul ? Oui, mon capitaine !

- Je devrais répondre non mais ... Bizarrement, rien ni personne ne m'a fait changer d'avis sur Harper. Pour le moment.

Elle lança à Melloy un regard légèrement amusé. Elle avait l'art et la manière de faire des sous-entendus sans en avoir l'air, et d'ailleurs, c'est ce qui faisait son charme. Twiggy zieuta d'un air impatient du côté du bar, pour voir si leurs Campari étaient sur le point d'arriver... Mais aucun signe du fameux liquide rouge et sucré. Melloy embraya donc, demandant à la jeune fille le pourquoi du comment de son arrivée à Harper. Question ô-combien délicate, d'autant plus que Twiggy ne savait elle-même pas exactement ce qu'elle foutait ici. Elle esquissa donc une moue sceptique, et tenta d'articuler une réponse un tant soit peu censée.

- Bonne question. Pour faire court, mes parents ont jugé bon de m'envoyer à Harper dans l'espoir que ça me permette, je cite, "d'être cadrée et d'étudier avec sérieux". En définitive, ils craignent que je finisse par ressembler à mes frères et soeurs, qui sont tous genre, des paumés, ex-taulards, musicos râtés. Tu vois le genre...

Twiggy soupira légèrement, et en voyant le regard dubitatif de Melloy, lâcha un de ces petit rire cristallin dont elle avait le secret.

- Sinon, je viens de Londres.

Twiggy avait toujours habité la capitale, et à vrai dire, elle envisageait difficilement la vie ailleurs. Pour elle, c'était "LDN", ou rien. Dans le cas de Harper, elle n'avait pas vraiment eu le choix, mais il n'empêchait que vivre dans le trou paumé qu'était Holyhead l'ennuyait profondément. Twiggy passa machinalement la main dans sa tignasse blonde, et un immense sourire se dessina sur ses lèvres lorsqu'elle vit enfin arriver les deux verres de Campari. Elle leva le sien d'un air amusé, avant de déclarer, d'un ton calme et serein :

- A Harper et à notre vie de bagnards !

... et pour cause, être élève à Harper, c'était genre, pire qu'être un forçat.

En attendant les verres de Camparis, Melloy enchaînait déjà les questions pour en apprendre plus sur la jeune femme qui se trouvait en face de lui et qui n'était finalement qu'une inconnue rencontré quelques jours plus tôt. La discussion se lança sur Harper, et dériva très vite sur le bref récit de la vie de Twiggy. Ou plutôt la raison pour laquelle elle était arrivée ici. D'ailleurs, Melloy regretta très vite de lui avoir posé la question car la réponse s'avéra plutôt longue et assez compliqué. De plus, le débit assez impressionnant de parole dont faisant preuve la jeune femme rendait la compréhension du monologue encore plus délicate. Melloy en tira tout de même l'essentiel : Twiggy avait des frères et des soeurs qui n'étaient pas vraiment des exemples à suivre. La jeune femme fit une petite pause, et enchaîna en ajoutant simplement qu'elle venait de Londres.

- Wow, Londres ? C'est plutôt classe ça. Passer de Londres à Holyhead, ça craint.

Ca expliquait aussi beaucoup de chose. Rien de plus normal que de plonger dans une profonde dépression quand on déménage de la capitale vers le trou paumé qu'est Holyhead. Un trou paumé qui ressemblait dangeureusement à une campgne des plus rustiques. A côté de Londres, Harper et ses environs n'était plus qu'un champ rempli de vaches et de moutons.

- A Harper et à notre vie de bagnards !

Twiggy venait de porter un toast, elle leva son verre et le cogna contre celui de Melloy. Ce dernier n'avait jamais considéré Harper comme un endroit dans lequel il fallait à tout prix s'échapper. Il n'avait encore jamais regretté son choix de venir poursuivre ses études ici, avec sa soeur.

- Alors comme ça, tu as des frères et des soeurs ? T'as l'air de sortir d'une famille nombreuse... non ?

Melloy imita Twiggy qui savourait déjà son verre. Il avait hâte d'en apprendre plus sur elle, au risque de devenir lassant à poser toutes sortes de questions. Le tout était de savoir quand s'arrêter, et quand il fallait lancer de nouveaux sujet de conversation. Tout dépendait de la fille qu'il avait en face de lui, certaines aimaient parler de leurs vies, d'autres non. Malheureusement, Twiggy avait l'air de rentrer dans la deuxième catégorie. Bien que ce rendez-vous n'était pas censé aller plus loin qu'une petite sortie entre amis, il faut avouer que s'abstenir de charmer une fille comme Twiggy n'était pas forcément chose facile. D'autant plus que c'est de Melloy dont nous parlons...